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gâteau », ainsi qu’on l’appelait chez nous, par moi qui l’avais pliée à toutes mes volontés ? Avec remords, je jetai un regard circulaire sur sa chambre, vieillotte mais gentille, ornée de tableaux et de glaces qui venaient de notre maison d’autrefois dans l’île. Elle était si soigneuse de ces choses, elle aimait tant les voir dans un ordre parfait !… Et moi qui encombrais tout, avec mes cahiers pêle-mêle, mes dictionnaires, mes tables de logarithmes, mon théâtre, mes pinceaux, les retailles de carton de mes décors et mes défilés d’étranges poupées… Pauvre tante Claire !… Pourtant je l’aimais bien, et cette fois fut la première où je me promis que j’allais ranger tout cela bien vite, — et que même, plus tard, quand elle serait morte, je conserverais sa chambre intacte, comme un sanctuaire de son souvenir.

C’est ce que j’ai fait du reste. Voici trente ans bientôt qu’elle nous a quittés, et sa chambre est restée telle que si elle venait d’en sortir pour y revenir demain ; dans ses tiroirs, dans