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mère nous dire, en se tordant les mains : « Oh ! ce provisoire, au moins que nous en soyons délivrés et que, d’une manière ou d’une autre, cela finisse ! »

L’idée qu’il faudrait sans doute en venir à vendre notre chère maison de Rochefort, comme il avait fallu jadis vendre celle de l’île, oppressait mes heures grises d’hiver, au collège ou dans ma chambre d’enfant qui m’était encore laissée. Oh ! voir un jour la lugubre affiche : « À vendre » apposée sur notre mur, et puis se retirer dans quelque logis inconnu, être expulsé de tout ce que j’adorais, de mon petit musée, de notre cour, de mon bassin aux pierres moussues, je croyais bien sentir que ce serait pour moi la mort, et je m’attachais d’autant plus à ces humbles choses, d’une façon excessive, désespérée, presque fétichiste.

Bien entendu, je n’avais même pas eu l’idée cette année-là de préparer ma liste d’étrennes, mais je m’y étais bravement résigné ; la suppression de mes professeurs de piano et d’ac-