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même, à un moment donné, après que j’eus perdu mon père, après la date à laquelle je compte arrêter ces notes, cela devint de la misère tout à fait.

Mais cette misère, aujourd’hui encore je ne cesse de la bénir ; elle aura été pour moi une grande éducatrice, je lui dois sans doute tout ce que j’ai pu faire d’un peu courageux et d’un peu noble ; pendant mes années d’aspirant de marine et même d’enseigne de vaisseau, elle a resserré de la façon la plus adorable mes liens avec ces deux saintes en robe de deuil que furent ma mère et ma tante Claire, sa sœur. Chères bienfaisantes fées, dont je voyais de jour en jour les cheveux blanchir, toujours sereines et presque gaies, elles réussirent donc, par leur courage et leur activité de toutes les minutes, à nous préserver des trop dures privations et à nous conserver les dehors d’une décence très comme il faut.

Oh ! précieuse misère, c’est à elle aussi que je dois d’avoir connu plus tard la joie de faire