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se serait conservé là, oublié des hommes. En plus grand, et par suite en plus sauvage, cela ressemblait beaucoup, comme nature, à certaines parties des bois de la Limoise, et voilà pourquoi sans doute je m’y attachai si vite, m’y retrouvant chez moi. C’était le même sol exquis, où partout affleurait la pierre grise et où ne croissaient que les plantes délicates des lieux secs, les tapis de lichen, les graminées d’une impalpable finesse qui font comme une petite vapeur épandue sur la terre, et les orchidées dont les fleurs ont l’air de mouches en velours grimpant le long d’un brin de roseau. Comme arbres forestiers, c’étaient surtout des chênes-verts dont le feuillage éternel imite celui des oliviers ; il y en avait là d’énormes, de ces chênes de notre Sud-Ouest, si lents à se développer mais qui, avec les siècles, finissent par s’arrondir à la manière des banians hindous. Et à l’entrée de cette forêt, qui se maintenait toute l’année du même vert sombre, sommeillait un vieux château de la Renais-