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Près d’une grand’route, où quelques dernières diligences passaient encore en faisant leurs gaies sonnailles de grelots, et à la tête d’un pont jeté sur un ravin plein de sources, ils avaient choisi une adorable vieille maison, aux murs épais comme des remparts, avec deux jardins superposés, plantés de grands arbres et qui communiquaient par un escalier de pierres moussues. J’avais là ma chambre, bien entendu, ma chambre à moi où jamais personne d’autre n’eut le droit de demeurer et où, pendant mes premières années de marine, je devais revenir tant de fois avec une émotion très douce, entre mes longues campagnes.

Alentour, dans un silence de désuétude, dans un calme que nos paysages de France ne connaissent déjà plus, s’étendait un site d’une beauté rare[1], quelque chose comme un reste des vieux temps de la Gaule qui, par miracle,

  1. Dans un de mes livres intitulé : « Le château de la Belle-au-Bois-dormant », j’ai essayé de décrire en détail ce site unique.