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guère de ces questions-là, mais ce qui m’atteignit d’une façon douloureuse fut d’apprendre que nous ne serions bientôt plus propriétaires dans notre île, qu’il faudrait vendre nos derniers lambeaux de vignes et de marais salants, de même qu’il avait déjà fallu renoncer à cette maison de Saint-Pierre d’où nos ancêtres, à la révocation de l’édit de Nantes, étaient partis pour l’exil. Ce petit désastre contribuait du reste pour sa part à assombrir un peu notre vie familiale.

Toutefois un événement heureux succéda promptement à nos deuils : ma sœur ne nous quitta plus. Son mari vint habiter, à environ vingt-deux kilomètres de Rochefort, une petite ville, presque un village, qui s’appelait Fontbruant, près d’une antique forêt de chênes-verts. Leur installation, qui devait être provisoire, dura une douzaine d’années, — ce qui, à l’âge que j’avais alors, représente une période très longue, — et ce Fontbruant fut dans la suite un des lieux de la terre auxquels je m’attachai le plus passionnément.