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cette première journée, et je m’en allai seul, me promener très loin.

XVII

Je marchais depuis une heure. — Au hasard, j’avais pris le même chemin qu’hier avec Yves, — et j’étais repassé devant cette croix de Kergrist.

Maintenant Paimpol et la mer, et les îles, et les caps boisés de sapins sombres, tout cela venait de disparaître derrière un repli du terrain ; une campagne plus triste s’étendait devant moi.

Cette journée de février était calme, très morne ; l’air était presque doux, et le ciel restait bleu par places, un peu voilé seulement, comme toujours est le ciel breton.

Je m’en allais par des sentiers humides, bordés, suivant le vieil usage, de hauts talus en terre qui muraient tristement la vue. L’herbe rase, les mousses mouillées, les branches nues sentaient l’hiver. À tous les coins de ces chemins, de vieux calvaires étendaient leurs bras gris ; ils portaient des sculptures naïves, retouchées bizarrement par les siè-