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XIII

Nous marchions toujours, toujours, avec toutes nos voiles, vers le sud.

Maintenant, c’étaient des nuées de damiers et d’autres oiseaux de mer qui voyageaient derrière nous. Ils nous suivaient étonnés et confiants, depuis le matin jusqu’à la nuit, criant, se démenant, volant par courbes folles, — comme pour nous souhaiter la bienvenue à nous, autre grand oiseau aux ailes de toile, qui entrions dans leur domaine lointain et infini, l’océan Austral.

Et leur troupe grossissait toujours à mesure que nous descendions. Avec les damiers, il y avait les pétrels gris-perle, le bec et les pattes légèrement teintés de bleu et de rose ; — et les malamochs tout noirs ; — et les gros albatros lourds, d’une teinte sale, avec leur air bête de mouton, avec leurs ailes rigides et immenses, fendant l’air, piaulant après nous. Même on en voyait un que les matelots se montraient : un amiral, oiseau d’une espèce rare et énorme, ayant sur ses longues pennes les trois étoiles dessinées en noir.