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Les voiles, les cordages pendaient inertes, comme choses mortes ; nous flottions sans vie comme une épave.

En haut, dans le domaine d’Yves, on sentait encore des mouvements lents qui n’étaient plus perceptibles en bas. Dans cet air immobile et saturé de rayons, la hune continuait de se balancer avec une régularité tranquille qui portait à dormir. C’étaient de longues oscillations molles qu’accompagnaient toujours les mêmes frôlements des voiles pendantes, les mêmes crissements des bois secs.

Il faisait chaud, chaud, et la lumière avait une splendeur surprenante, et la mer morne était d’un bleu laiteux, d’une couleur de turquoise fondue.

Mais, quand les grosses nuées étranges, qui voyageaient tout bas à toucher les eaux, passaient sur nous, elles nous apportaient la nuit et nous inondaient d’une pluie de déluge.

Maintenant nous étions tout à fait sous l’équateur, et il semblait qu’il n’y eût plus un souffle dans l’air pour nous en faire partir.

Cela durait des heures, quelquefois tout un jour, ces obscurités et ces pluies lourdes. Alors Yves et ses amis prenaient une tenue qu’ils appelaient