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portaient de beaux navires imprimés au milieu dans des cadres rouges.

Moi, qui étais de quart, je commandai : « À larguer le ris de chasse ! » et le maître d’équipage fit irruption au milieu des causeurs en sifflant dans son sifflet d’argent. Alors brusquement, en un clin d’œil, comme une bande de chats sur lesquels on a lancé un dogue, ils se dispersèrent tous en courant dans la mâture.

Yves habitait là-haut, dans sa hune. En regardant en l’air, on était sûr de voir sa silhouette large et svelte sur le ciel ; mais on le rencontrait rarement en bas.

C’est moi qui montais de temps en temps lui faire visite, bien que mon service ne m’y obligeât plus depuis que j’avais franchi le grade de midship ; mais j’aimais assez ce domaine d’Yves, où on était éventé par un air encore plus pur.

Dans cette hune, il avait ses petites affaires ; un jeu de cartes dans une boîte, du fil et des aiguilles pour coudre, des bananes volées, des salades prises la nuit dans les réserves du commandant, tout ce qu’il pouvait ramasser de frais et de vert dans ses maraudes nocturnes (les matelots sont friands de