Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’était ce monde aussi qui de loin nous regardait avec bienveillance passer sur la mer, quand nous ne distinguions, nous, qu’une indécise flèche noire. Et nous faisions connaissance avec lui.

Yves était toujours très désenchanté pourtant de n’avoir retrouvé aucune trace de son ancienne demeure ni de son père ; aucun souvenir, pas plus dans la mémoire des autres que dans la sienne. Et il regardait toujours à ses pieds les maisons grises, celles surtout qui étaient le plus près de la base du clocher, attendant quelque intuition du lieu où il était né.

Nous n’avions plus qu’une demi-heure à passer à Saint-Pol avant de prendre la diligence du soir. Le lendemain matin, nous devions être de retour à Brest, où notre navire nous attendait pour nous emmener encore une fois très loin de la Bretagne.

Nous nous étions attablés à boire du cidre dans une auberge sur la place de l’église, et, là encore, nous interrogions l’hôtesse, qui était une très vieille femme. Mais celle-ci s’émut tout à coup en entendant le nom d’Yves.

— Vous êtes le fils d’Yves Kermadec ? dit-elle. Oh ! Si j’ai connu vos parents, je crois bien ! Nous