Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

représentait là-bas la terre de Bretagne, le pays de Léon.

Et les nuits de quart, nous chantions la chanson bretonne :


Je suis natif du Finistère,
À Saint-Pol j’ai reçu le jour.
Mon clocher est l’plus beau d’la terre,
Mon pays, l’plus beau d’alentour.
...............
Rendez-moi ma bruyère,
Et mon clocher à jour.


Mais c’était comme une fatalité, comme un sort jeté sur nous : jamais nous n’avions pu réussir à y aller, à ce Saint-Pol. Au dernier moment, quand nous nous mettions en route, toujours des empêchements nouveaux ; notre navire recevait des ordres inattendus et il fallait repartir. Et nous avions fini par attacher je ne sais quelle pensée superstitieuse à ce clocher de Creizker, entrevu seulement, et toujours de loin, en silhouette, au bout de l’horizon sombre.


Cette fois pourtant, cela semble assuré, nous y allons pour tout de bon.