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D’ailleurs Yves était sauvé, et c’était l’essentiel. Je le rapportai à bord, couché dans un manteau, sur les outres qui contenaient notre provision d’eau douce.

Cela m’attacha beaucoup à lui de lui avoir rendu service.

La seconde fois, c’était à Pernambuco. J’avais perdu sur parole, dans une maison de jeu, avec des Portugais. Le lendemain, il fallait donner cet argent, et, comme il ne m’en restait pas, ni aux amis du poste non plus, cela devenait difficile.

Yves avait pris cette situation très au tragique, et vite il était venu m’offrir son argent à lui, qui était déposé sous ma garde dans un tiroir de mon secrétaire.

— Ça me ferait tant de plaisir, capitaine, si vous vouliez le prendre ! D’abord je n’ai plus besoin d’aller à terre, moi, et même ça me rendrait service, vous le savez bien, de ne plus pouvoir y retourner.

— Eh bien, oui, mon brave Yves, je l’accepterais pour quelques jours, ton argent, puisque tu veux me le prêter ; mais c’est que, vois-tu, il me manquerait encore cent francs. Alors, tu comprends, ça ne vaut pas la peine.