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rangée de mousse, toute barbue de lichens, seule toujours, fermée et mystérieuse au milieu des bois.

Elle ne s’ouvre qu’une fois l’an, pour le pardon des chevaux, qui viennent tous alentour, à l’heure d’une messe basse qu’on dit là pour eux. C’était tout dernièrement ce pardon, et l’herbe est encore foulée par les sabots des bêtes qui sont venues.

Ce soir, c’est une tranquillité étrange autour de cette chapelle. Les horizons boisés s’étendent au loin paisibles, comme pris de sommeil ; il semble que ce soit aussi le soir de notre vie et que nous n’ayons plus qu’à nous reposer du repos éternel en regardant la nuit descendre sur les campagnes bretonnes, à nous éteindre doucement dans cette nature qui s’endort.

— … C’est égal, dit Yves très songeur, je crois bien que ce sera quelque part par là-bas (par là-bas signifie Plouherzel) que je m’en retournerai quand je serai devenu vieux, pour qu’on me mette près de la chapelle de Kergrist, vous savez, là où je vous ai montré ? Oui, sûr que je m’en irai par là-bas mourir.

La chapelle de Kergrist, dans le pays de Goëlo, sous le ciel le plus sombre ; le lac d’eau marine et,