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Mot pour mot, d’une voix très douce qui a beaucoup l’accent de Toulven, il répète en nous regardant tout ce que sa grand’mère sait de français :

— Mon Dieu, ma bonne sainte Vierge, ma bonne sainte Anne, je vous prie pour mon père, pour ma mère, pour mon parrain, pour mes grands-parents, pour ma petite sœur Yvonne…

— Pour mon oncle Goulven, qui est bien loin sur la mer, ajoute Yves d’une voix grave.

Et, encore plus recueilli :

— Pour ma grand’mère de Plouherzel.

— Pour ma grand’mère de Plouherzel, répète le petit Pierre.

Et puis il attend autre chose pour répéter encore, gardant toujours ses mains jointes.

Mais Yves a presque des larmes à ce souvenir poignant, qui lui revient tout à coup de sa mère, de sa chaumière, à lui, de son village de Plouherzel, que son fils connaîtra à peine et que lui ne reverra peut-être plus. Ainsi est la vie pour les enfants de la côte, pour les marins : ils s’en vont, les lois de leur métier de mer les séparent de parents chéris qui savent à peine leur écrire et qu’ensuite ils ne revoient plus.