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Dix heures durant, les binious ont sonné devant la chapelle, sous les grands chênes, — et les gavottes ont tourné sur la mousse.

Ce je ne sais quoi des étés bretons qui est mélancolique, on ne sait comment le dire, c’est un composé où entrent mille choses : le charme de ces longs jours tièdes, plus rares qu’ailleurs et plus vite partis ; les hautes herbes fraîches, avec l’extrême profusion des fleurs roses ; et puis un sentiment d’autrefois, qui dort, répandu partout.

Vieux pays de Toulven, grands bois où il y a déjà des sapins noirs, arbres du Nord, mêlés aux chênes et aux hêtres ; campagnes bretonnes, qu’on dirait toujours recueillies dans le passé…

Grandes pierres que couvrent les lichens gris, fins comme la barbe des vieillards ; plaines où le granit affleure le sol antique, plaines de bruyères roses…

Ce sont des impressions de tranquillité, d’apaisement, que m’apporte ce pays ; c’est aussi une aspiration vers un repos plus complet sous la mousse, au pied des chapelles qui sont dans les bois. Et, chez Yves, tout cela est plus vague, plus inexprimable, mais aussi plus intense, comme chez moi quand j’étais enfant.