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étroit comme une armoire, et sombre, et humide, avec une odeur de renfermé et un peu de jour pâle tombant d’en haut par un trou : la cale du Magicien !

Seulement il confondait ce lendemain de fête avec d’autres qui s’étaient passés ailleurs, — là-bas, bien loin, en Amérique ou dans les ports de la Chine… Était-ce pour avoir battu les alguazils de Buenos-Ayres ? Ou bien était-ce la mêlée sanglante de Rosario qui l’avait mené là ? ou encore l’affaire avec les matelots russes à Hong-Kong ?… Il ne savait plus bien, à quelques milliers de lieues près, n’ayant pas la notion du pays où il se trouvait.

Tous les vents et toutes les lames de la mer avaient bien pu promener le Magicien par tous les pays du monde ; elles l’avaient secoué, roulé, meurtri au dehors, mais sans parvenir à défaire l’arrangement de toutes ces choses qui étaient dans cette cale, de toutes ces bobines de cordes sur des étagères, — sans déplacer cet habit de plongeur qui devait être là pendu derrière lui, avec ses gros yeux et son visage de morse ; ni changer cette odeur de rat, de moisissure et de goudron.