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Elle est tout au bord de l’étang ; dans l’eau dormante et profonde, elle se reflète à côté de la haute flèche grise. Sur le tertre, des œillets fleuris font des touffes blanches, déjà indécises dans la nuit qui arrive. L’étang ressemble à un miroir, d’un jaune pâle, couleur de lumière mourante, comme celle du ciel au couchant ; et, tout autour, on voit la ligne déjà noire des grands bois.

Les fleurs des tombes donnent leurs odeurs douces du soir. — Un calme tiède nous environne et semble s’épaissir…

On entend dans le lointain les hiboux qui s’appellent, on ne distingue plus les œillets blancs d’Yvonne… La nuit d’été est venue…

Alors un grand bruit nous fait frissonner tout à coup, au milieu de ce silence où nous songions aux morts. C’est l’Angelus qui sonne, là, très près, au-dessus de nous, dans le clocher ; et l’air s’emplit de lourdes vibrations d’airain.

Pourtant nous n’avons vu personne entrer dans l’église, qui est fermée et obscure.

— Qui sonne ? dit Yves, inquiet, qui peut sonner ?… Pas moi qui voudrais le faire, toujours… Non, sûr que je n’entrerais pas dans l’église à