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de mai. Nous nous acheminons, Yves et moi, vers l’église, pour faire visite à une croix blanche qui est là sur un tertre avec des fleurs :


Yvonne Kermadec, treize mois.


— Il paraît qu’elle me ressemblait tout à fait, dit Yves.

Et cette ressemblance de la petite morte avec lui le rend très pensif.

En regardant la croix, le tertre et les fleurs, nous songeons tous deux à ce mystère : petite fille qui était de son sang, issue de lui, qui avait ses yeux, et alors… Probablement aussi une âme pareille, et qui est déjà rendue au sol breton. C’est comme si quelque chose de lui-même s’en était déjà retourné à la terre ; c’est comme des arrhes qu’il aurait déjà données à la poussière éternelle…

Dans quatre ans, cette petite croix qu’on voyait de loin n’existera plus ; on enlèvera Yvonne, son tertre et ses fleurs. Même ses petits os s’en iront aussi se mêler aux autres, aux antiques, sous l’église, dans l’ossuaire.

Quatre ans encore on la verra, cette croix, et on y lira ce nom de petite fille…