Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/378

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étaient changés ; il se sauva dans le faux-pont, dans un coin où se trouvaient son sac et son armoire et qu’il considérait comme son chez lui ; vite, il descendit là, pour être tout seul à envisager cette joie qui lui arrivait, à relire ce bienheureux petit papier bleu qui lui ouvrait toute une ère nouvelle.

C’était si beau, si inattendu, après sa mauvaise conduite passée !

J’avais été à Paris demander cette faveur, intriguer beaucoup pour mon frère d’adoption, en me portant garant de sa conduite à venir. Une femme de cœur avait bien voulu employer à ma cause son influence très puissante, et alors la promotion d’Yves avait été enlevée d’assaut, bien qu’elle fût difficile.

Et Yves n’en finissait plus de regarder son bonheur sous toutes ses faces… D’abord, au lieu d’avoir à demander une permission courte qu’on lui eût peut-être beaucoup marchandée, — avec ses galons d’or il allait partir de droit pour Toulven ; on allait l’envoyer en disponibilité pendant trois mois au moins, quatre peut-être ; il aurait tout l’été à passer là, avec sa femme et son fils, dans la petite maison