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» J’ai aussi à vous dire, cher frère, qu’on n’a pas encore ôté votre carte de dessus la porte de votre chambre, et je pense qu’on l’oubliera tout à fait à présent. Alors, le soir, je fais mon tour par le faux-pont arrière pour passer devant.

» L’année prochaine, quand nous reviendrons, j’ai espoir d’avoir une bonne permission pour aller voir ma femme et mon petit Pierre, et ma petite fille ; mais ce sera toujours bien court, et certainement je ne serai jamais tranquille avant d’avoir ma retraite. D’un autre côté, quand je serai d’âge à laisser les cols bleus, mon petit Pierre sera près de partir pour le service, lui, à son tour, ou bien il y aura peut-être une place pour moi là-bas, du côté de l’étang, vers l’église : vous savez quelle place je veux dire.

» Cher frère, vous croyez que je prends des manières comme vous ? Mais non, je vous assure, je pense comme j’ai toujours pensé.

» Pour les têtes de coco[1], je crois bien qu’elles sont perdues, car nous ne passerons pas en Calédo-

  1. Têtes humaines, très laides à voir ; les déportés de Calédonie les fabriquent avec des cocos auxquels ils mettent des yeux, des dents et des cheveux. Yves voulait en mettre dans son escalier, à Toulven.