Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/368

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sage-femme ni la grande penseuse de Toulven n’avaient rien compris. Et on l’emporta là-bas au pied de l’église, ses yeux semblables à ceux d’Yves fermés pour jamais.

Dans ces bois, nous avions passé nos deux heures de jour. Après souper seulement, nous étions allés, Marie et moi, voir au clair de lune où en était leur nouveau logis.

À la place du champ d’avoine que nous avions mesuré en juin de l’année précédente s’élevaient maintenant les quatre murailles de la maison d’Yves ; elle n’avait encore ni auvent, ni plancher, ni toiture, et, au clair de lune, elle ressemblait à une ruine.

Nous nous assîmes au milieu, sur des pierres, nous trouvant seuls tous deux pour la première fois.

C’est d’Yves que nous parlions, cela va bien sans dire. Elle m’interrogeait anxieusement sur lui, sur son avenir, pensant que je connaissais plus profondément qu’elle ce mari qu’elle adorait avec une espèce de crainte, sans le comprendre. Et moi, je la rassurais, car j’espérais beaucoup : le forban avait pour lui son bon et brave cœur ; alors, en le prenant par là, nous devions à la fin réussir.