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ces bois. Au loin, on voyait les collines boisées s’étager en lignes monotones, toujours cet horizon sans âge du pays de Toulven, ce même horizon que les Celtes devaient voir, les derniers plans de la vue se perdant dans les obscurités grises, dans les tons bleuâtres qui passaient au noir.

Oh ! mon cher petit Pierre, comme je l’avais embrassé fort en arrivant sur cette route de Toulven ! De très loin, j’avais vu venir ce petit bonhomme, que je ne reconnaissais pas, et qui courait à ma rencontre en sautant comme un cabri. On lui avait dit : « C’est ton parrain qui arrive là-bas », et alors il avait pris sa course. Il était grandi et embelli, avec un certain air plus entreprenant et plus tapageur.

Ce fut à ce voyage que je vis pour la première et la dernière fois la petite Yvonne, une fille d’Yves qui était née après notre départ, et qui ne fit sur la terre qu’une courte apparition de quelques mois. Elle était toute pareille à lui ; mêmes yeux, même regard. Étrange ressemblance que celle d’une si petite créature avec un homme.

Un jour, elle s’en retourna dans les régions mystérieuses d’où elle était venue, rappelée tout à coup par une maladie d’enfant, à laquelle ni la vieille