Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et ensuite, à un coup de sifflet roulé, très spécial qui signifiait : « Ramassez les sacs ! » tout cela disparaissait comme par enchantement, replié, resserré, redescendu à fond de cale, dans les casiers numérotés que les terribles sergents d’armes venaient fermer avec des chaînettes de fer.

En les regardant, on aurait pu se tromper à leurs airs patients et sages, si on ne les eût pas mieux connus ; en les voyant si absorbés dans ces occupations de petites filles, dans ces déballages de poupées, impossible de s’imaginer de quoi ces mêmes jeunes hommes pouvaient redevenir capables une fois lâchés sur terre.

Il n’y avait qu’une heure de mélancolie inévitable, c’était quand la prière du soir venait d’être dite, quand les signes de croix des Bretons venaient de finir et que le soleil était couché ; à cette heure-là, assurément, beaucoup d’entre eux songeaient au pays.

Même dans ces régions d’admirable lumière, il y a toujours cette heure indécise entre le jour et la nuit, qui est triste. On voyait à cet instant-là des têtes de matelots se tourner involontairement vers cette dernière bande de lumière qui persistait