Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/351

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lière des soirs où la mer se calme, tranquillité qui prédispose à comprendre l’incompréhensible.

Vieux raisonnements ressassés d’école que je leur développais et qui pouvaient impressionner encore leurs têtes jeunes… C’était peut-être très bête, ce cours d’immortalité ; mais cela ne leur faisait aucun mal, au contraire.

XCII

Ces mers où se tenait le Primauguet étaient presque toujours du même bleu de lapis ; c’était la région des alizés et du beau temps qui ne finit pas.

Quelquefois, pour aller d’un groupe d’îles à un autre, il nous fallait franchir l’équateur, passer par les grandes immobilités, les splendeurs mornes.

Et, après, quand l’alizé vivifiant reprenait dans un hémisphère ou dans l’autre, quand le Primauguet réveillé se remettait à courir, alors on sentait mieux, par contraste, le charme d’aller vite, le charme d’être sur cette grande chose inclinée, frémissante, qui semblait vivre et qui vous obéissait, alerte et souple, en filant toujours.