Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LXXXIV

La nuit qui suit est claire et délicieuse. Nous allons tout doucement, dans la mer de Corail, par une petite brise tiède, avançant avec précaution, de peur de rencontrer les îles blanches, écoutant le silence, de peur d’entendre bruire les récifs.

De minuit à quatre heures du matin, le temps du quart se passe à veiller au milieu de ces grandes paix étranges des eaux australes.

Tout est d’un bleu vert, d’un bleu nuit, d’une couleur de profondeur ; la lune, qui se tient d’abord très haut, jette sur la mer des petits reflets qui dansent, comme si partout, sur les immenses plaines vides, des mains mystérieuses agitaient sans bruit des milliers de petits miroirs.

Les demi-heures s’en vont l’une après l’autre, tranquilles, la brise égale, les voiles très légèrement tendues. Les matelots de quart, en vêtements de toile, dorment à plat pont, par ran-