Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lante et tranquille ; c’est sans doute la mer qui s’émiette là sur des blancheurs de corail, qui brise sur des îles inconnues, à fleur d’eau, qu’aucune carte n’a jamais indiquées…

… Comme c’est loin, la Bretagne ! — et les chemins verts de Toulven ! — et son fils.

Yves est sorti de sa rêverie et il regarde, la main étendue au-dessus de ses yeux, cette lointaine traînée qui blanchit toujours.

… Il n’a pas l’air d’un déserteur, car il porte encore le grand col bleu des matelots.

Maintenant, il a très bien vu ces brisants et ce corail, et, en se penchant un peu dans le vide, il crie pour ceux qui sont en bas : « Des récifs par bâbord ! »

… Non, Yves n’a pas déserté, car le navire qui le porte est le Primauguet, de la marine de guerre.

Il n’a pas déserté, car il est toujours auprès de moi, et, quand il a annoncé de là-haut l’approche de ces récifs, c’est moi qui monte le trouver dans sa hune, pour les reconnaître avec lui.

À Brest, ce mauvais jour où il avait voulu nous quitter, je l’avais vu passer, en déserteur, portant