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quille, afin d’avoir repris une figure calme quand sa femme rentrerait.

LXXXI

Derrière lui, Marie était montée en tremblant ; elle l’avait vu venir.

Depuis deux jours, elle avait eu le temps d’envisager en face tous les aspects de malheur.

Elle n’avait pas voulu aller interroger les autres marins, comme font les pauvres femmes des coureurs de bordée, pour apprendre d’eux si Yves était rentré à son bord. Elle ne savait rien de lui, et elle attendait, se tenant prête à tout.

Peut-être qu’il ne reviendrait pas ; elle s’y était préparée comme au reste, et s’étonnait d’y songer avec tant de sang froid. Dans ce cas, ses projets étaient faits ; elle ne retournerait pas dans ce Toulven, de peur de revoir leur petite maison commencée, de peur aussi d’entendre chaque jour maudire le nom de son mari chez ses parents, qui la recueilleraient. Non, là-bas, dans le pays de Goëlo, il y avait une vieille femme qui ressemblait à