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mères, et enfin, quatre à quatre, escaladant les marches de granit, toute la bande des grands enfants sauvages qu’Yves conduit à la fête de ses galons.

Celles qui les attendent, ceux-ci, sont dans la rue des Sept-Saints, déjà sorties sur leur porte et au guet : femmes aux cheveux à la chien peignés sur les sourcils, — à la voix avinée et au geste horrible.

Tout à l’heure, ce sera pour elles, leur sève, leurs ardeurs contenues, — et leur argent. — C’est qu’ils payent bien, les matelots, le jour du retour, et, en plus de ce qu’ils donnent, il y a surtout ce qu’on leur prend après, quand par bonheur ils sont ivres à point…

Ils regardaient devant eux indécis, comme effarés, grisés déjà rien que de se trouver à terre.

Où aller ? Par où commencer leurs plaisirs ?… Ce vent, cette pluie froide d’hiver et cette tombée sinistre de la nuit, — pour ceux qui ont un logis, un foyer, tout cela ajoute à la joie qu’on a de rentrer. À eux, cela leur faisait bien sentir le besoin de se mettre à l’abri, d’aller se réchauffer quelque part ; mais ils étaient sans gîte, ces pauvres exilés qui revenaient…