Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

murs, pour tâcher d’avoir des nouvelles de son petit Pierre. De loin, il l’avait aperçu, qui regardait passer le monde à la fenêtre, avec un petit bandeau sur son front. Alors il était revenu sur ses pas, suffisamment rassuré, dans son égarement d’ivresse qui durait encore ; il était revenu sur ses pas pour « aller retrouver ses amis ».

Ce matin-là, il s’était réveillé au jour, sous un hangar du quai où ses amis l’avaient couché. L’ivresse était cette fois passée, bien complètement passée. Il faisait toujours ce même beau temps d’octobre, frais et pur ; les choses avaient leurs aspects habituels, comme si de rien n’était, et d’abord il songea avec attendrissement à son fils et à Marie, prêt à se lever pour aller les retrouver là-bas et leur demander pardon. Il lui fallut un moment pour se rappeler tout, et se dire que c’était fini, qu’il était perdu…

Retourner près d’eux, maintenant ? — Oh ! non, jamais, — quelle honte !

D’ailleurs, s’être échappé du bord étant puni de fers, et avoir ensuite couru bordée trois jours, tout cela ne pouvait plus se racheter. Prendre encore ces mêmes résolutions, reprises vingt fois, faire encore ces mêmes promesses, dire encore ces mêmes