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fant gâté et capricieux, c’est lui à présent, à l’heure de mon départ, qui m’entoure de mille petites prévenances, presque enfantines, ne sachant plus comment s’y prendre pour me montrer assez son affection. Et cette manière d’être a plus de charme chez lui, parce qu’elle n’est pas dans sa nature habituelle.

Ce temps que nous venons de passer ensemble, dans une intimité fraternelle de chaque jour, n’a pas été exempt d’orages entre nous. Il mérite toujours un peu, malheureusement, ses notes passées d’indiscipliné et d’indomptable ; tout va bien mieux cependant, et, si j’avais pu le garder près de moi, je l’aurais sauvé.

Après dîner, nous montons sur le pont pour notre promenade habituelle du soir.

Je dis une dernière fois :

— Yves, fais-moi une cigarette.

Et nous commençons nos cent pas réguliers sur ces planches de la Sèvre. Là, nous connaissons par cœur tous les petits trous où l’eau s’amasse, tous les taquets où l’on se prend les pieds, toutes les boucles où l’on trébuche.

Le ciel est voilé sur notre dernière promenade,