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à y écrire ses impressions, à ma manière ; il regrette même de ne plus se rappeler assez les dates et les choses passées pour reconstituer un journal rétrospectif de sa vie.

Son intelligence s’ouvre à une foule de conceptions nouvelles ; il se façonne sur moi, c’est incontestable, et se complique peut-être un peu plus qu’il ne faudrait. Mais notre intimité amène un autre résultat très inattendu, c’est que je me simplifie beaucoup à son contact ; moi aussi, je change, et presque autant que lui…


Brest, juin 1881.

À six heures, le soir de la Saint-Jean, sur l’impériale d’un omnibus de campagne, je revenais avec Yves du pardon de Plougastel.

Notre Sèvre avait été, en mai, jusqu’à Alger, et nous sentions mieux, par contraste, le charme particulier du pays breton.

Les chevaux s’en allaient ventre à terre, tout enrubannés, ayant sur la tête des bannières et des rameaux verts. Dans l’intérieur, on chantait, et dessus, près de nous, trois matelots gris dansaient,