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LXIX

En mer, le lendemain, 1er avril. — Route sur Saint-Nazaire. — Voilure du grand largue ; forte brise du nord-ouest ; mauvais temps ; on ne voit plus les feux. Entré dans le bassin au petit jour ; cassé le bossoir ; craqué le petit mât de hune.

Le 2, c’est jour de paye. Des hommes ivres tombent la nuit dans la cale et se fendent la tête.

Une petite permission de deux jours, inattendue. En route avec Yves pour Trémeulé en Toulven. Cette Sèvre est un beau bateau, qui ne nous éloigne jamais bien longtemps.

À dix heures du soir, au clair de lune, nous venons frapper à la porte des vieux Keremenen et de Marie, qui ne nous attendent pas.

On lève petit Pierre pour nous faire honneur, et on l’assied sur nos genoux. Tout surpris dans son premier sommeil, il nous dit bonjour tout bas, en souriant, et puis il ne fait plus grand cas de notre visite. Ses yeux se ferment malgré lui et sa petite tête s’en va de tous les côtés.