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toute cette file qui monte entre les étroites parois de mousse, tout ce plein sentier de coiffes à grandes ailes et de collerettes blanches.

Cela s’en va, en zigzags, montant toujours vers Saint-Éloi de Toulven. C’est très bizarre, cette queue de procession.

— Oh !… toutes ces coiffes ! dit Anne, qui a fini son chapelet la première, et qui se met à rire, saisie de l’effet de toutes ces têtes blanches élargies par les tuyaux de mousseline.

C’est fini, — perdu dans les lointains de la voûte de hêtres ; — on ne voit plus que le vert tendre du chemin, et les touffes de primevères semées partout : végétations hâtives qui n’ont pas pris le temps de voir le soleil, et qui se pressent sur la mousse en gros bouquets compacts, d’un jaune pâle de soufre, d’une teinte laiteuse d’ambre. Les Bretons les appellent fleurs de lait.

Je prends petit Pierre par la main, et l’emmène avec moi dans les bois, pour laisser Yves seul avec ses parents. Ils ont des affaires très graves, paraît-il, à discuter ensemble ; toujours ces questions d’intérêt et de partage qui, à la campagne, tiennent une si grande place dans la vie.