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Pierre, qui me tend les bras pour se faire prendre à mon cou, pour mieux voir.

Mais Yves le veut pour lui, et, l’enlevant très haut, le pose tout debout sur sa tête ; alors petit Pierre sourit de se trouver si grand, et plonge ses mains dans les branches moussues des vieux arbres.

La bannière de la Vierge passe, portée par deux jeunes hommes recueillis et graves. Tous les hommes de Trémeulé et de Toulven la suivent, tête nue, jeunes et vieux, leur feutre bas, de longs cheveux, blonds ou blanchis par l’âge, qui tombent sur des vestes bretonnes ornées de broderies vieilles.

Toutes les femmes viennent derrière : des corselets noirs tous brodés d’yeux, un petit brouhaha contenu de voix qui prononcent des mots celtiques, un remuement de grandes choses en mousseline blanche sur les têtes. La vieille sage-femme défile la dernière, courbée et trottant menu, toujours avec son allure de fée ; elle nous adresse un signe de connaissance et menace petit Pierre, par plaisanterie, du bout de son bâton.

Cela s’éloigne et le bruit aussi…

Maintenant nous voyons, par derrière et de loin,