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après s’être écrit, pour que la réconciliation fût complète.

Quand Yves arriva, il avait sa figure changée, et son bon sourire, que je n’avais plus vu depuis bien longtemps. Je pris sa main, sa pauvre main de gabier dans les miennes ; il fallait la serrer très fort pour qu’elle sentît la pression, car le travail l’avait beaucoup durcie.

— Aussi, pourquoi m’avez-vous fait cela ? Ce n’était pas bien, allez !

Et ce fut tout ce qu’il trouva à me dire, en manière de reproche.

Nous n’étions pas astreints à la garde de nuit sur cette Sèvre.

— Sais-tu, Yves, nous allons passer cette soirée de premier de l’an ensemble à terre, dans Brest, et tu dîneras en face de moi, à la Bourse. Cela ne nous est jamais arrivé, et cela nous amusera. Vite, va faire épousseter ton dos (il s’était tout sali dans la cale aux fers), et allons-nous-en.

— Oh ! Mais dépêchons-nous, alors. Plutôt, je m’époussetterai chez vous, dans votre chambre de terre. Le canon va tirer, nous n’aurons jamais le temps de sortir.