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à la fois très naïve et très profonde, de penser et de dire ; c’était la même chose, avec je ne sais quelle contrainte, quelle glace entre nous deux, qui ne pouvait plus se fondre. J’attendais un mot de repentir qui ne venait pas.

L’hiver s’avançait, cet hiver de la Manche, qui enveloppe tout, les idées, les êtres et les choses, — dans le même crépuscule gris. Les grands froids sombres étaient arrivés, et nous faisions notre promenade de chaque soir plus vite, pressant le pas sous le vent humide de la mer.

Quelquefois j’avais envie de lui dire en serrant sa main bien fort : « Allons, frère, je t’ai pardonné, va ; n’y pensons plus. » Cela s’arrêtait sur mes lèvres : après tout, c’était à lui de me demander pardon ; et alors, je gardais une espèce de froideur hautaine qui l’éloignait de moi.

Non, cette Sèvre décidément ne nous réussissait pas…

LXIV

Petit Pierre est à Plouherzel, qui essaye de jouer devant la porte de sa grand’mère ; — tout dépaysé