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voulu l’emmener plus loin de Brest, plus loin des mauvais amis et des tavernes de la côte.

LXII

En mer, 25 décembre, Noël.

C’était le surlendemain, de très bonne heure, au petit jour. Je montais sur le pont, ayant à peine dormi un moment, après un quart de minuit à quatre heures très dur : nous avions été malmenés toute la nuit par grand vent et grosse mer.

Yves était là, tout mouillé, mais très à son aise dans son élément, et, dès qu’il me vit paraître, il me montra de la main, en souriant, un pays singulier duquel nous nous approchions.

Des falaises grises muraient les lointains de l’horizon comme un long rempart. — Une espèce de calme venait de se faire dans les eaux, bien que le vent continuât de nous envoyer sa poussée furieuse. Au ciel, des nuées sombres et lourdes glissaient les unes sur les autres, très vite : toute une voûte de plomb en mouvement ; des choses immenses, obscures, qui se déformaient, qui sem-