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à toute heure du jour et de la nuit, là-haut, dans la mâture, ce domaine des gabiers que secouent tous les vents du ciel.

Le maître d’équipage, s’étant approché, tendit la main à Yves. Jadis il avait été, lui aussi, un gabier dur à la peine ; il s’y connaissait en hommes courageux et forts.

— Eh ! Bien, Kermadec, dit-il, on va les arroser, ces galons ?

— Mais oui, maître…, répondit Yves à voix basse, en gardant un air grave et très rêveur.

Ce n’était pas de l’eau du ciel que voulait parler ce vieux maître ; car, sous ce rapport-là, l’arrosage était assuré. Non, en marine, arroser des galons signifie se griser pour leur faire honneur le premier jour où on les porte.

Yves restait pensif devant la nécessité de cette cérémonie, parce qu’il venait de me faire, à moi, un grand serment d’être sage et qu’il avait envie de le tenir.

Et puis il en avait assez, à la fin, de ces scènes de cabaret déjà répétées dans tous les pays du monde. Traîner ses nuits dans tous les bouges, à la tête des plus indomptés et des plus ivres, et se