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raine, comme le veut l’usage, elle du côté des pieds et moi du côté de la tête. Yves, adossé aux piliers de granit, nous regardait faire d’un air très rêveur, et Anne était bien jolie, sous ce porche gris, avec son beau costume et sa grande fraise, tout en lumière, dans un rayon de soleil.

Petit Pierre marqua une légère grimace et passa sur sa lèvre le bout de sa toute petite langue, d’un air mécontent, quand on lui fit goûter le sel, emblème des amertumes de la vie.

M. le curé récita de longs oremus en latin, après quoi, il dit dans la même langue au petit goéland : Ingredere, Petre, in domum Domini. Et alors nous entrâmes dans l’église.

Des saintes qui étaient là, dans des niches, en costume du xvie siècle, regardaient petit Pierre faire son entrée, de ce même air placide et mystique avec lequel elles ont vu naître et mourir dix générations d’hommes.

Sur les fonts baptismaux ce fut encore fort long, et puis il nous fallut faire station, Anne et moi, devant la grille du chœur, agenouillés comme deux nouveaux époux.

Enfin, je dus prendre à moi tout seul le fils d’Yves,