Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous l’herbe attendent là, plus confiantes, à ce seuil d’église, le son de la dernière trompette et des grandes voix de l’Apocalypse.

Là aussi, sans doute, quand, moi, je serai mort ou cassé par la vieillesse, là on couchera mon frère Yves ; il rendra à la terre bretonne sa tête incrédule, et son corps qu’il lui avait pris. Plus tard encore y viendra dormir le petit Pierre, — si la grande mer ne nous l’a pas gardé, — et, sur leurs tombes, les fleurs roses des champs de Bretagne, les digitales sauvages, l’herbe haute de juin, pousseront comme aujourd’hui, au beau soleil des étés.

… Sous le porche de l’église, il y avait tous les enfants du village qui semblaient très recueillis. M. le curé était là aussi qui nous attendait dans ses habits de cérémonie.

C’était un porche d’une architecture très primitive, et dont bien des générations bretonnes avaient usé les pierres ; il y avait des saints difformes, taillés dans le granit, qui étaient alignés comme des gnomes.

La cérémonie fut longue à cette porte. La vieille à tête de chouette avait posé le petit Pierre dans nos mains, et nous le tenions à deux avec la mar-