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Petit Pierre, lui, toujours tout rond comme un bébé de bronze, continue de dormir dans la même pose, les poings fermés sous le menton ; jamais bébé naissant ne fut si beau ni si sage.

… Quand je prends congé d’eux tous, Yves se lève aussi pour venir me conduire jusqu’au village, où je dois coucher à l’auberge.

… Dehors, dans le sentier creux, sous les branches, il fait absolument noir ; on y est enveloppé d’une obscurité double, celle des grands arbres et celle de la nuit.

C’est un genre de calme auquel nous ne sommes plus habitués, celui des bois. Et puis la mer n’est pas là ; ce pays de Toulven en est très éloigné. Nous écoutons ; il nous semble toujours que nous devons entendre dans le lointain son bruit familier ; mais non, c’est partout le silence. Rien que des frôlements à peine perceptibles dans l’épaisseur verte, faibles bruits d’ailes qui s’ouvrent, trémoussements légers d’oiseaux qui ont de petits rêves dans leur sommeil.

On sent toujours les chèvrefeuilles ; mais, avec la nuit, il est venu une fraîcheur pénétrante et des odeurs de mousse, de terre, d’humidité bretonne.