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… Il y a une agitation joyeuse dans cette chaumière, un air des grands jours. Les chandeliers de cuivre sont allumés sur la table, qui est recouverte d’une belle nappe. Les bahuts, les escabeaux, les vieilles boiseries de chêne reluisent comme des miroirs ; on sent qu’Yves a passé par là.

Ces chandeliers n’éclairent pas loin et il y a dans cette chaumière des recoins noirs ; on voit se mouvoir de grandes choses bien blanches, qui sont les coiffes à larges ailes et les collerettes plissées des femmes ; autrement les fonds sont très obscurs ; la lumière vient mourir en tremblotant sur le granit des murailles, sur les solives irrégulières et noircies par le temps qui portent le chaume du toit. Toujours ce chaume et ce granit brut qui jettent encore dans les villages bretons une note de l’époque primitive.

… On apporte sur la table la bonne soupe qui fume et nous nous asseyons alentour, Yves à ma gauche, Anne à ma droite.

C’est un grand repas, plusieurs poulets à diverses sauces, des crêpes de sarrasin, des omelettes au lard et au sucre ; du vin et du cidre doré qui mousse dans nos verres.