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— C’est lui qu’on berce, dit Yves en souriant. Voici chez nous.

Elle est à moitié enfouie et toute moussue, cette chaumière des vieux Keremenen. Les chênes et les hêtres étendent au-dessus leur voûte verte ; elle semble aussi ancienne que la terre des chemins.

Au dedans, il fait sombre ; on voit les lits en forme d’armoire alignés avec les bahuts le long du granit brut des murs.

Une grand-mère en large collerette blanche est là qui chante auprès du nouveau-né, qui chante un air du temps de son enfance.

Dans un berceau d’une mode bretonne d’autrefois, qui, avant lui, avait bercé ses ancêtres, est couché le petit goéland : un gros bébé de trois jours tout rond, tout noir, déjà basané comme un marin et qui dort, les poings fermés sous son menton. Il a de tout petits cheveux qui sortent de son bonnet sur son front comme des petits poils de souris. Je l’embrasse, et de tout mon cœur, parce que c’est le bébé d’Yves.

— Pauvre petit goéland ! dis-je en touchant le plus doucement possible ses petits cheveux de souris, il n’a pas encore beaucoup de plumes.