Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paralysée chez lui. Il ouvrit les bras à Yves pour l’embrasser, et des larmes coulèrent sur ses joues brunes.

Yves aussi pleura… Et puis, vite, il fallut partir. La permission qu’on lui avait donnée n’était que d’une heure.

Du reste, Gildas ne parlait plus, il avait fait asseoir Yves près de lui sur un banc d’hôpital, et, lui tenant la main, il le regardait avec ses yeux de fou près de mourir. D’abord il avait bien essayé de lui dire plusieurs choses qui semblaient se presser dans sa tête ; mais il ne sortait de ses lèvres que des sons inarticulés, rauques, profonds, qui faisaient mal à entendre. Non, il ne pouvait plus ; alors il se contentait de lui tenir la main et de le regarder avec une tristesse infinie.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Yves emporta une impression profonde de cette entrevue dernière avec son frère Gildas. Ils ne s’étaient revus que deux fois depuis que Gildas était parti pour la mer. Mais ils étaient frères, frères de la même chaumière et du même sang, et c’est là quelque chose de mystérieux, un lien qui résiste à tout.