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pliqués destinés à fermer sûrement ces sacs de toile qu’ils ont à bord pour serrer leur trousseau ; d’élégants amarrages en ficelle tressée pour suspendre au cou des gabiers leur grand couteau ; des sifflets en argent pour les quartiers-maîtres, et enfin des ceintures rouges, des petits peignes et des petits miroirs.

De temps en temps, il y avait de grandes rafales qui faisaient envoler les bonnets et tituber les passants ivres, et alors la pluie tombait plus dure, plus torrentielle et fouettait comme grêle.

La foule des matelots augmentait toujours ; on les voyait surgir par bandes à l’entrée de la rue de Siam ; ils remontaient du port et de la ville basse par les grands escaliers de granit et se répandaient en chantant dans les rues.

Ceux qui venaient de la rade étaient plus mouillés que les autres, plus ruisselants de pluie et d’eau de mer. Leurs canots voilés, en s’inclinant sous les risées froides, en sautant au milieu des lames pleines d’écume, les avaient amenés grand train dans le port. Et ils grimpaient joyeusement ces escaliers qui menaient à la ville, en se secouant comme des chats qu’on vient d’arroser.