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XXXV

Huit jours après, c’était fini de notre frégate : désarmée au fond de l’arsenal, son équipage dispersé, autant dire un navire mort.

Je m’en allais, et Yves venait m’accompagner au chemin de fer. La gare était encombrée de matelots : tous ceux de la Médée, qui partaient aussi ; d’autres encore, en bordée, venus pour les reconduire.

Parmi eux, beaucoup d’anciennes connaissances à nous, des protégés, des amis d’Yves. Et tous ces braves gens, un peu gris, mettaient bas leur bonnet, nous faisant leurs adieux avec effusion. C’étaient les scènes habituelles de tous les désarmements : un bateau qui finit, c’est quelque chose à part ; c’est l’explosion de toutes les reconnaissances et de toutes les rancunes, de toutes les haines et de toutes les sympathies.

… À l’entrée des salles d’attente, en serrant les mains d’Yves, je lui disais :

— M’écriras-tu au moins ?