Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XXXIV

Un coin de la cale de la Médée, en plein désarmement dans le plus grand désarroi. Un fanal éclaire un vaste fouillis d’objets hétérogènes plus ou moins grignotés par les rats.

Une douzaine de matelots, — Barrada, Guiaberry, Barazère, Le Hello, toute la bande des amis, — entourent un homme couché par terre. C’est Yves qui est aux fers, étendu sur les planches humides, la tête appuyée sur son coude, le pied pris dans l’anneau à cadenas de la barre de justice.

Son ennemi le plus acharné des trois, maître Lagatut, est devant lui, qui le menace avec sa vieille voix d’ivrogne. Il le menace d’une revanche de cette histoire de chaloupe, dans laquelle, à son gré, j’ai trop mis la main.

Il a quitté ses arrêts pour venir l’injurier ; — et, moi qui suis de quart et qui fais une ronde, j’arrive par derrière et je le trouve là, — comme il est de bonne prise ! — les matelots, qui me voient venir, rient tout doucement, dans leur