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îlots sombres, éparpillés ; tout cela encore très lointain et à peine visible, sous le mauvais jour terne qui nous enveloppe.

Nous nous figurions sans peine être encore là-bas, dans cette extrême Asie, que nous avons quittée hier ; car les choses à bord n’ont pas changé de place, ni les visages non plus. Nous sommes toujours encombrés de chinoiseries ; nous continuons à manger des fruits cueillis là-bas et encore verts ; nous traînons avec nous des odeurs chinoises.

Mais pas du tout ; notre maison s’est déplacée singulièrement vite ; cette tour et ces îlots, ce sont les Pierres-Noires ; Brest est là tout près, et, avant la nuit, nous y serons entrés.

… Toujours une émotion de souvenir quand reparaît cette grande rade de Brest, imposante et solennelle, et ces grands navires de la marine à voiles qu’on est déshabitué de voir ailleurs. Toutes mes premières impressions de marine, toutes mes premières impressions de Bretagne, — et puis enfin c’est la France.

Le Borda, là-bas ; je le regarde et je retrouve dans ma mémoire le bureau sur lequel j’ai passé,