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le jour. Tant qu’il fait clair, vous savez ? c’est toujours mieux pour travailler dans la mâture. Mais, quand il fait aussi noir que dans le trou du diable, comme cette nuit, ça ne va pas du tout.

Yves promena un regard de satisfaction tout autour de ma chambre, installée par lui en prévision du gros temps. Rien n’avait bougé, grâce à son arrangement. Par terre, c’était bien un lac d’eau salée sur lequel diverses choses flottaient ; mais les objets auxquels je tenais un peu étaient restés suspendus ou fixés, comme les meubles, aux panneaux des murs par des clous et des cornières de fer. Tout était cordé, ficelé, attaché avec un soin extrême au moyen de cordes goudronnées de toutes les grosseurs. On voyait des armes, des bronzes noués avec des vêtements dans un pêle-mêle bizarre. Des masques japonais à longue chevelure humaine nous regardaient à travers des treillis de ficelle au goudron ; ils avaient le même rire lointain, le même tirement d’yeux que ces femmes birmanes aux ongles d’or qui avaient voulu me manger dans le rêve d’Yves…

… Une sonnerie de clairon tout à coup, alerte et joyeuse : le rappel au lavage !